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La construction amateur d'aéronefs télépilotés

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Danger Construction Amateur

Cet article est destiné à tous les opérateurs professionnels de drones civils, qu'ils assemblent leurs aéronefs télépilotés ou pas.

Si vous tenez à la pérennité économique de vos activités, vous devriez lire cet article...

 

Qu'est ce que la construction amateur ?

Sont classés dans la catégorie construction amateur tous les aéronefs télépilotés qui ne sont pas produits en série avec une attestation de conception de type (ce sont donc des prototypes). L'attestation de conception de type est le justificatif délivré par la DGAC qui atteste de l'homologation d'une machine qui peut dès lors être produite en série sans que cela nécessite de déposer un dossier technique à chaque nouvelle unité.

Le terme « construction amateur » est utilisé pour des machines professionnelles et il ne signifie absolument pas construction approximative ou moins fiable que des machines de série. C'est même parfois le contraire, je parle en connaissance de cause pour l'avoir vu de mes yeux vu.

Il y a de nombreux opérateurs (et même constructeurs ou plus précisément assembleurs) sur la liste DGAC qui utilisent la construction amateur pour développer leur flotte d'aéronefs.

Quel est l'intérêt de la construction amateur ?

La construction amateur permet à un opérateur d'acheter librement des composants (ou même de les fabriquer tels que des châssis, des têtes gyrostabilisées...) pour les assembler et créer des machines personnalisées qui répondent parfaitement à ses besoins et à son savoir faire.

La construction amateur permet de diminuer très largement les coûts du matériel (et donc de proposer des prestations à des prix accessibles), avec un ratio généralement de 1 à 3 (voir beaucoup plus) entre une machine assemblée soi même et une machine achetée à un constructeur en série.

La construction amateur permet de développer des machines sur mesure pour couvrir les usages les plus pointus, de n'être dépendant de personne en matière de maintenance ou de SAV et de pouvoir conserver toute liberté d'action.

Enfin, la construction amateur, de part sa souplesse de mise en oeuvre et son coût compétitif, permet de mettre au point des flottes plus importantes et de multiplier les usages et les capteurs pour un même exploitant.

Nous allons maintenant préciser pourquoi il est essentiel de préserver ce droit, hérité de l'aviation grandeur.

La construction amateur est-elle en danger ?

A moins que vous ne viviez dans le monde des bisounours, vous avez sans doute constaté que le climat actuel est pesant dans l'univers des drones, que les tensions réglementaires sont bien présentes et que les enjeux sont conséquents.

Vous vous doutez naturellement que nous sommes en présence d'intérêts fortement divergents et que le bonheur des uns fera le malheur des autres. Il est de notoriété publique que certains "grands" opérateurs (nous ne sommes pas là pour mettre en cause tel ou tel, du moins pas à ce stade) tirent la couverture et ont tenté par exemple sur le dossier de la formation d'imposer leurs vues en n'hésitant pas à court-circuiter la Fédération Professionnelle du Drone Civil, allant même jusqu'à plagier le travail de ses commissions en essayant de s'en attribuer la paternité (sans succès).

Alors oui, la construction amateur est en danger, et si demain vous ne souhaitez pas être dans l'obligation d'acheter votre matériel à prix d'or auprès d'un oligopole, alors il faut vous impliquer dès maintenant dans la défense de vos intérêts.

Comment interdire la construction amateur ?

Bien entendu, aucun constructeur n'affichera jamais clairement des intentions hostiles, peut-être même que nous verrons certains commenter cet article pour démontrer "l'incontournabilité" (néologisme) de tel ou tel système de sécurité, ou encore démontrer leur attachement profond à l'intérêt général.

Pour que ce soit tout à fait clair, je n'insinue absolument pas que tous les constructeurs en série ont de mauvaises intentions, qu'ils sont incompétents ou quoi que ce soit de ce genre, pas plus qu'ils ne devraient se justifier en mettant en cause des constructeurs amateurs qu'ils estimeraient pas au niveau. Chacun sait que l'on trouve de tout en ce bas monde, que le meilleur côtoie le pire et que par conséquent nous partons tous égaux face à nos contradictions.

Ceci étant dit, comment les constructeurs les plus inquiets pour leur avenir pourraient-ils s'y prendre pour verrouiller le marché ?

Emprunter les chemins de traverse

Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu'il a la gale. Quand on veut censurer internet, on trouve une cause contre laquelle personne n'osera s'élever, par exemple la chasse aux pédophiles. Quand on veut augmenter le nombre de radars sur la route, on agite évidemment le chiffon rouge de la sécurité routière. Vous commencez à comprendre d'où vient le danger ?

Il est donc évident que personne ne remettra en cause frontalement la construction amateur, parce que ce n'est pas audible d'une part et que ce serait une stratégie vouée à l'échec d'autre part. La clé de cette énigme, nous l'avons déjà évoquée, c'est la sécurité.

Au nom de la sécurité, on peut tout se permettre et faire avaler des couleuvres à n'importe qui. Personne n'oserait contester ce sacro-saint besoin de sécurité dont notre société raffole. Alors bien entendu qu'il faut prendre le maximum de précautions, ne jamais survoler du public, respecter à la lettre la réglementation... Nous ne le remettons absolument pas en cause, mais il faut rester objectifs et pragmatiques, sinon les équilibres économiques seront rompus et l'intérêt général sera menacé.

En revanche, se retrancher derrière des arguments sécuritaires fumeux pour tenter d'imposer réglementairement telle ou telle technologie, tel ou tel équipement de sécurité dont l'efficacité reste à démontrer, c'est une démarche éprouvée qui fonctionne malheureusement très bien.

Vous allez donc voir fuser prochainement tout un tas de propositions qui vont aller dans le sens de la sécurité maximale, et qui vont parfois émaner de gens dont la première préoccupation sera de tenter de verrouiller le marché à leur profit exclusif.

Faut-il aller à l'encontre de la sécurité ?

Tout est affaire de proportionnalité avec l'objectif recherché. Vous allez très bientôt commencer à entendre parler de certifications aéronautiques des composants et des machines, d'imposer telle ou telle technologie réputée fiable (sans aucun recul pour celui qui avancera ces arguments si ce n'est quelques tests réalisés en catimini) etc, mais jamais de remise en cause directe de la construction amateur.

Si certaines propositions pourront paraître logiques et utiles (comme le doublement des batteries par exemple, ou l'augmentation des poids en S3 pour pouvoir utiliser des systèmes d'éjection mécaniques pour les parachutes, plus efficaces), certaines seront disproportionnées et n'auront pas d'autre but que de restreindre certaines libertés de construction en ajoutant des contraintes.

Lorsqu'une entreprise investi dans de la R & D (Recherche et Développement) et qu'elle pense avoir fait une trouvaille, elle est parfois tentée de tout faire pour imposer un nouveau standard afin de conserver un coup d'avance sur ses concurrents, en imposant une sélection par l'argent.

Pourtant, le développement efficace de notre filière ne pourra pas se faire en favorisant quelques entreprises seulement, quelle que soit leur taille ou leur performance. Bien entendu, nous aurons besoin de champions nationaux, mais la généralisation de l'usage des drones dans les activités économiques nécessitera de conserver une certaine accessibilité technique et financière. Internet aurait-il connu un tel essor sans les box ADSL à des prix accessibles ?

Il faut bien distinguer les micro-drones de moins de 25 kg des (futurs) drones civils gros porteurs capables de s'insérer dans l'espace aérien, au milieu des vols habités. Ceux-ci seront effectivement produits et opérés à l'échelle industrielle et réservés à des groupes aéronautiques structurés, mais il ne faut pas tout mélanger.

La certification aéronautique, c'est mal ?

Vous savez que les avions commerciaux ou militaires, avant d'être mis sur le marché, sont soumis à des procédures de certification qui sont longues et coûteuses, généralement réservées aux grands groupes. Il n'y a d'ailleurs qu'à observer le peu d'acteurs sur le marché des avions de ligne pour comprendre les enjeux et les contraintes.

La certification aéronautique est parfois nécessaire, mais pas systématiquement, loin s'en faut. Si elle peut à terme sembler indispensable pour les scénarios S4 les plus complexes (vols sur plusieurs dizaines de kilomètres en environnement hostile), pour les aéronefs > 25 kg et notamment les aéronefs > 150 kg voués à s'insérer dans l'espace aérien, elle ne devrait en aucun cas être généralisée.

Ces certifications de tout ou partie des multirotors ou des ailes (micro drones) que nous utilisons quotidiennement pour les scénarios S1, S2 et S3 sont totalement ubuesques. Vous devez savoir qu'elles ont un coût élevé et certifier des composants électroniques aux normes aéronautiques aurait pour effet immédiat de multiplier leur prix par 20 ou 30.

Si vous deviez demain acheter votre quadricoptère de 2 kg entre 40 000 et 60 000 € HT pour faire voler une GoPro, pensez vous que vous pourriez vendre vos photos de 12 M de pixels 1 500 € la photo pour amortir le matériel ?

Pensez vous que vos clients, qui ne sont pas des grands comptes, auraient la volonté et les moyens financiers de payer des prix déraisonnables parce que quelques uns auront réussi leur pari fou de la certification généralisée ?

Le véritable relais de croissance de la filière, se sont les PME, comme pour l'emploi. Mais en France, contrairement à l'Allemagne, on l'oublie souvent en privilégiant quelques grands groupes avec les conséquences que l'on connait, il suffit de regarder de l'autre côté de la frontière pour voir la différence. Et si on verrouille tout, les PME resteront sur le carreau...

Quelles seraient les conséquences d'une certification aéronautique généralisée ?

Une telle décision signerait l'arrêt de mort immédiat de toute la filière. Les opérateurs n'auraient plus les moyens de s'équiper, les petits constructeurs (ou les constructeurs amateurs) ne seraient plus en mesure de poursuivre leur activité, le prix des prestations deviendrait totalement prohibitif pour toutes les TPE/PME privant de fait l'essentiel des acteurs économiques des innovations du drone civil etc.

Mais il n'y a pas que la certification qui présente un danger, d'une manière plus large toute initiative qui consisterait à créer un mille feuille technologique ou administratif qui bloquerait les plus fragiles est à surveiller de très près, particulièrement en ce moment.

L'administration est submergée de dossier qu'elle ne parvient plus à traiter, à cause de l'usine à gaz administrative qu'elle a elle même mise en place (circuits de validation multiples et redondants, absence d'informatisation des traitements...).

Usine à gaz
Usine à gaz - © Le blog des bits

La tentation doit-être grande de vouloir se débarrasser des dossiers d'homologation du matériel en les confiant à des organismes privés qui vont faire s'envoler les tarifs de mise sur le marché.

Qui veut imposer des technologies propriétaires ?

Le danger vient notamment de certains constructeurs de série, qui tentent par tous les moyens d'obtenir des certifications sur tous les types d'appareils. Ce sont des gens qui sont déconnectés des réalités du terrain et qui rêvent de multinationales. Ils sont angoissés à l'idée de ne pas rentabiliser leurs investissements qui sont généralement de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'euro à quelques millions (en l'état actuel).

Quand on entend que telle ou telle administration a investi plus de 200 000 € dans un drone (argent public donc...) qui exécute des tâches basiques de surveillance, leur fournisseur n'a pas vraiment envie que l'on sache que l'on peut faire très simplement la même chose pour quelques milliers d'euro.

Ces entreprises sont dangereuses car leur lobbying échappe à tout contrôle et ils agissent dans l'ombre de manière opaque, parfois soutenus par d'autres réseaux (collectivités territoriales intéressées par exemple par l'implantation sur leur territoire d'un organisme de certification, sic). Nous pouvons espérer que leurs tentatives resteront vaines et que le bon sens du législateur permettra d'éviter de reproduire certaines erreurs du passé.

La concentration a déjà commencé dans la filière drones civils, avec des opérations de rachat / fusion, parfois à juste titre, mais également parfois avec des coquilles vides, et il en existe un certain nombre. C'est d'ailleurs souvent le cas des entreprises les plus présentes médiatiquement qui s'autoproclament leader du secteur, en agitant le miroir aux alouettes pour faire tourner la tête des investisseurs.

C'est ce que l'on appelle une bulle et on a vu le résultat avec internet au début des années 2000. Les communicants ont pris le relais et l'argent commence à couler, avec son lot de dérives, de rêves d'industrialisation à marche forcée, avec pour objectif la revente lucrative de startup.

La commission Fédérale constructeurs

Il existe une Fédération Professionnelle du Drone Civil dont le fonctionnement qui se doit d'être le plus démocratique possible, est de plus en plus décrié. Toute prise de position officielle auprès de l'administration devrait faire l'objet d'une consultation préalable de ses membres qui sont en droit de définir des orientations. Toute discussion avec l'administration devrait faire l'objet d'un compte rendu transparent.

Comme dans toute fédération qui se respecte et qui obtient un mandat de ses adhérents pour les représenter, son intervention doit se limiter à la défense de l'intérêt général et certains commencent à en douter.

Ce n'est pas une information exclusive, mais beaucoup l'ignorent, une commission constructeurs vient d'être mise en place par la FPDC. Vous devriez commencer par lire ceci.

Si vous ne vous sentez pas concernés, vous avez tort. Les décisions qui concernent le matériel et les éventuelles nouvelles normes qui découleront de ces groupes de travail peuvent avoir de lourdes conséquences sur vos entreprises.

En lisant attentivement cette page et après vérification téléphonique, une chose m'a interpellé : l'absence de représentant des constructeurs amateurs au sein de cette commission. Or il me semble que nous avons des choses à dire et des points de vue à faire valoir, tout autant que les constructeurs de machines de série.

C'est d'ailleurs les constructeurs amateurs et les communautés open source qui sont à l'origine du développement des technologies brushless et sans eux, la filière drones civils n'existerait même pas. Alors que certains souhaitent les exclure pour mettre en place un commerce lucratif est plus que choquant ! Bien entendu qu'il faut développer économiquement ce secteur, mais ce n'est pas en bridant l'innovation et les initiatives individuelles que l'on y parviendra, bien au contraire.

Nous avons donc demandé à la FPDC de permettre à des représentants des constructeurs amateurs de pouvoir participer à cette commission, car il faut mettre un coin dans la porte pour éviter qu'elle ne se referme.

A ce jour, nous n'avons pas de nouvelles concernant les activités de cette commission (a priori différée pour cause de responsable qui aurait jeté l'éponge, ça reste à démontrer), mais il est INDISPENSABLE que les débats aient lieu dans la transparence et que les conclusions de cette commission soient communiquées à tous les adhérents pour validation, avant remise à la DGAC.

Quelles conséquences pour les clients ?

A ce stade, les clients de la filière drones civils n'ont pas d'inquiétude à avoir, la concurrence joue son rôle et tout le monde est plus ou moins logé à la même enseigne. Il y a des bons, des mauvais, comme dans toutes les professions, mais il est encore possible de proposer des prestations à des tarifs compétitifs puisque le marché est ouvert.

En revanche, si comme nous le craignons des verrous administratifs et financiers sont mis en place, le coût du matériel deviendra incompatible avec un usage généralisé des aéronefs télépilotés. Le premier secteur impacté sera l'audiovisuel (80% du marché à l'heure actuelle) et d'une manière plus large toutes les PME, pour qui l'usage d'un drone deviendra prohibitif en raison de son prix.

Peut-on raisonnablement penser que ces technologies doivent-être réservées à des grands groupes pour des usages industriels ? Il existe tellement d'applications au quotidien (dont certaines sont encore à inventer) qui peuvent simplifier la vie des entreprises et les faire gagner en productivité, que ce serait un drame économique.

L'usage des aéronefs télépilotés et plus largement de la robotique devraient connaître la même croissance qu'internet et générer à terme des emplois et des points de PIB, à condition de gérer cet équilibre fragile de manière intelligente, avec une vision à long terme.

Le plus urgent à ce stade est de professionnaliser les opérateurs avec un véritable brevet de télépilote sélectif techniquement, pour éviter la prolifération opportuniste qui submerge l'administration et qui va nous conduire à la surenchère.

A force de discuter avec certains confrères, je suis de plus en plus convaincu qu'un examen technique rétroactif (j'y étais pourtant opposé) pour les télépilotes, qui concernerait tous les opérateurs y compris ceux déjà en place (donc nous aussi), réserverait bien des surprises...

Qu'il s'agisse de formation, de construction, de réglementation ou de n'importe quoi d'autre, quelques lignes dans un arrêté peuvent avoir des conséquences considérables sur l'avenir d'une filière. Ne l'oubliez pas et faites entendre votre voix.