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La formation des télépilotes de drones

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Reforme Formation Pilotes Drones V2

L'année 2016 est annoncée comme l'année du renouveau avec une mise à jour des arrêtés de 2012 et l'instauration d'un nouveau cursus de formation pour la filière drone.

Or, il semblerait que si certains projets vont dans le bon sens, la gestion de la formation n'emprunte pas la meilleure voie, voici pourquoi.

 

Vers un Certificat de Qualification Professionnel ?

Il semble de plus en plus acquis que la DGAC souhaite mettre en place un examen théorique drone plus approprié que le PPL théorique (ULM, avion, planeur ou hélico), avec un degré d'exigence plus élevé afin de mettre en place une formation qualifiante, je cite un « Certificat de Qualification Professionnel (CQP) ».

La démarche est louable, mais un examen théorique serait bien insuffisant pour assurer un niveau de formation correct, même si les candidats ont par ailleurs suivi des cours pratiques qui ne sont sanctionnés à ce jour par aucun contrôle effectif.

Cela fait plusieurs années que nous nous interrogeons sur les objectifs de la législation drone, notamment pour savoir si la sécurité est vraiment l'enjeu premier. Il est évident que la législation actuelle n'est pas du tout adaptée (périmètres de sécurité inapplicables, délais d'obtention d'autorisation trop longs, procédures administratives aberrantes, etc) et que l'absence de sanctions lors des infractions induites par cette législation véhicule un sentiment d'impunité qui favorise les comportements à risque.

C'est bien l'effet inverse de celui recherché qui est aujourd'hui produit.

Etat des lieux de la formation

Actuellement, une simple mise à jour du MAP (FOR OBS) permet de devenir centre de formation drone aux yeux de la DGAC, aucun examen n'étant prévu à l'issue. Il faut bien distinguer cette notion de centre de formation de la notion d'organisme de formation telle qu'elle est entendue par la DIRECCTE qui supervise le financement de la formation professionnelle par les OPCA et délivre des immatriculations (qui ne valent pas agrément de l'Etat).

Or, à ce jour, n'importe qui devient centre de formation, beaucoup par opportunisme de leur aveux même, car ils n'arrivent plus à produire des prestations (renvoi à l'état de la législation supra) et qu'ils le font par nécessité économique.

Ainsi, nous voyons fleurir partout dans le pays des « centres » qui n'ont de centre de formation que le nom, parfois gérés par des gens qui sortent eux-même de formation quelques semaines auparavant, qui n'ont jamais travaillé et ne peuvent certainement pas justifier d'une expertise suffisante.

Aucune forme de contrôle n'est opérée sur l'activité de ces sociétés (au nom du manque de moyens des services de l'Etat) et certains font n'importe quoi, par je m'en foutisme ou par ignorance/incompétence, par exemple enseigner à leurs stagiaires que dès lors que le vol se déoule à une hauteur supérieure à 30 mètres AGL (du sol, Above Ground Level), le survol du public est autorisé car les périmètres de sécurité seraient assurés (sic).

Ainsi, c'est la foire à l'empoigne avec une concurrence débridée par le prix, la sécurité et l'intérêt général disparaissent très vite des préoccupations. Il est acquis qu'une semaine de formation de qualité dans de bonnes conditions représente un coût de 3000 à 4000 euros HT, or nous avons vu fleurir récemment des offres à 1500 euros HT les 2 semaines avec 10 stagiaires qui s'auto-gèrent en grande partie, ou même moins de 1000 euros HT dans le cadre d'offres packagées pour les fêtes de fin d'année (sic, cherchez l'erreur !).

Bref, il est grand temps de mettre de l'ordre dans tout ça et de faire appliquer la législation dans l'intérêt général, avec des sanctions appropriées et dissuasives, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent et explique sans doute en grande partie la situation actuelle.

Consultation publique pour le nouvel arrêté formation

ATTENTION, ce paragraphe « Consultation publique pour le nouvel arrêté formation » a été mis à jour le 15 décembre 2015, suite à la publication du projet de nouvel arrêté formation par la DGAC.

Projet de nouvel arrêté formation mis en consultation publique par la DGAC - Document intégré en IFRAM depuis cette page

A la lecture de ce projet, il ressort que tout ce que nous avions anticipé et proposé est toujours d'actualité pour la formation pratique. Un effort a été fait, mais les choses ont été faites à moitié pour la partie pratique, je vous invite à (re)lire la suite de cet article pour comparer au projet de nouvel arrêté.

En revanche, une chose nous déplaît tout particulièrement, un sujet que nous n'avions pas encore abordé. L'arrêté prévoit des conditions d'équivalence ou de reconnaissance dans le cadre d'une installation en France d'un opérateur étranger. En revanche, pas un mot concernant l'installation d'un opérateur français à l'étranger.

Alors, je connais la réponse, la DGAC va nous dire que chaque pays membre est souverain et qu'il appartient aux autres pays de prendre les mêmes dispositions. Sauf que c'est déjà l'anarchie la plus totale dans cette filière, mais si en plus toutes les portes sont ouvertes sans garanties de contreparties des autres pays, ce n'est pas possible.

La France doit s'assurer de la réciprocité avant de publier un tel texte et de n'accorder ces équivalences qu'aux ressortissants de pays qui nous reconnaîtraient les mêmes droits.

Et puis je me pose la question de savoir qui va traiter ces demandes d'équivalences et avec quels moyens. Notre administration est déjà totalement submergée par les demandes internes issues de notre territoire, rarement traitées dans des délais acceptables, mais je pense qu'elle n'a pas idée de l'appel d'air qu'elle est en train de créer.

La situation de 2012 va se reproduire, mais cette fois-ci avec les acteurs Européens qui vont vouloir investir le marché français qui fait oeuvre de miroir aux alouettes.

Comment gérer la formation pratique ?

La suite de cet article a été écrite avant la publication du projet de réforme de la formation par la DGAC, il convient donc d'y apporter un bémol dans le sens ou la question de la formation pratique est effectivement abordée, mais de manière insuffisante. Nous avons fait le choix de ne pas réécrire partiellement le texte suivant, pour vous permettre la comparaison et afin de n'induire personne en erreur, notamment suite aux commentaires qui avaient été publiés.

Nous n'allons donc pas revenir sur la partie théorique qui semble plutôt en bonne voie, une fois n'est pas coutume. En revanche, rien ou presque n'est prévu pour la mise en place d'un examen pratique sélectif (la sécurité des vols en dépend directement). Viendrait-il à l'idée de qui que ce soit de prendre seul les commandes d'un avion en ayant pour seule formation un examen théorique et quelques heures de simulateur ?

J'en convient, vous ne prenez pas les mêmes risques en pilotant un drone... Evidemment, ce sont les autres qui risquent leur peau par procuration, ceux qui se trouvent sous votre magnifique appareil RTF (Ready To Fly) fraîchement déballé de sa belle boîte pleine de promesses en provenance d'Asie. Il est donc facile et tentant de se sentir pousser des ailes sagement assis sur un tabouret à l'ombre d'un arbre, radiocommande en main.

Bien entendu, on va répondre à cet argument que le pilotage d'un drone, avec ses assistances, est à la portée de n'importe qui, qu'un drone ne se pilote pas, il se dirige, etc, ainsi que tout un tas de conneries de ce genre.

Or, il n'en est rien et les environnements à risques dans lesquels les professionnels doivent évoluer nécessitent de solides compétences techniques, avec des aptitudes poussées à pouvoir atterrir en sécurité un aéronef en perdition et à le faire évoluer en mode dégradé sans les assistances.

Revenons maintenant à nos moutons, il faudrait donc pour palier à ces problèmes mettre en place un examen pratique, mais l'Etat prétend ne pas avoir les moyens de le faire. Ce à quoi je répond que c'est probablement plus parce qu'il n'a pas la volonté de le faire.

Etablir un référentiel pour un examen pratique n'est pas insurmontable, c'est d'ailleurs en cours pour l'examen théorique. Pour cela, il suffirait de prévoir des épreuves avec des figures imposées (réalistes et utiles de préférence) en distinguant les voilures fixes des voilures tournantes. Examen duquel il résulterait soit une qualification professionnelle modulaire (voilure fixe OU voilure tournante), soit un examen global qui imposerait de maîtriser les deux.

Mais alors, si l'Etat manque de moyens, comment superviser l'organisation des sessions d'examens ?

Il est temps de s'apercevoir et d'admettre que l'Etat omnipotent est une chimère et qu'il ne peut pas tout, pour ne pas dire qu'il ne peut plus rien. L'Etat providence, c'est terminé !

Cela dit, le rôle de l'Etat consiste à encadrer l'économie et à légiférer. L'Etat peut donc parfaitement faire confiance aux sociétés privées du secteur (confiance relative bien entendu...) pour organiser ces examens sans devoir détacher à chaque session un fonctionnaire.

Comment organiser des sessions d'examen pratique sans fonctionnaires ?

Et bien, c'est très simple, en responsabilisant et en sanctionnant de manière dissuasive le cas échéant. Le principe devrait-être exactement le même pour les autorisations de vol des opérateurs. Plutôt que de nous obliger à gratter du papier jour et nuit, week-end inclus, des paperasses aussi redondantes qu'inutiles, il faut opter pour un système déclaratif responsable avec des délais courts mais des sanctions fermes pour les contrevenants (aujourd'hui, c'est l'impunité quasi totale qui règne).

A l'heure actuelle, pour voler en S3, il faut une autorisation préfectorale qui exige un dossier complet (chaque préfecture ayant sa propre interprétation des textes et ses propres exigences abusives) avec des pièces déjà validées en amont par la DGAC, qui elle même retransmet ensuite à la zone défense... Certaines préfectures imposent par exemple des autorisations municipales qui elles même exigent les autorisations préfectorales pour être délivrées... Un véritable climat de défiance s'est installé qui engendre un dilemme kafkaïen insoluble !

Voici donc comment procéder pour mettre en place une formation efficace avec peu de moyens publics et un examen pratique :

1. Casser la concurrence effrénée par le prix qui nuit à la sécurité et tire tout le monde vers le bas

  • Imposer des moyens matériels minimum (simulateurs ou micro drones, cluster de vol sécurisés, locaux adaptés, etc) ;
  • Imposer des moyens humains minimum avec 2 à 3 stagiaires MAXIMUM par instructeur ;
  • Exiger des centres qu'ils justifient de leurs moyens avant de délivrer une autorisation ;
  • Organiser des contrôles aléatoires (éventuellement payants, comme dans le tourisme) des centres de formation en exercice ;

2. Imposer un référentiel de formation

  • Exiger un minimum d'heures de formation, comme pour n'importe quelle formation qualifiante ;
  • Mettre en place un programme de formation imposé ;

3. Créer une grille d'évaluation pour les examens

  • Imposer des démonstrations pratiques qui prouvent l'aptitude du candidat en fin de formation (notamment le vol en inversion de commandes, absent du projet d'arrêté) ;
  • En cas d'échec à l'examen, le diplôme n'est pas obtenu et l'élève doit repasser l'examen ;

Vous allez me dire que ça ne règle pas le problème du manque de moyens de l'Etat ?

Et bien souvenez vous de ce que je disais précédemment, qu'il faut "faire confiance" et s'appuyer sur les entreprises privées, en l'occurence les centres de formation. C'est le dernier point qui consiste à responsabiliser et le cas échéant à punir.

4. Responsabiliser les centres d'examen

  • Imposer l'obligation de pouvoir justifier de la présence des stagiaires (feuilles de présence signées) ;
  • Imposer au centre de filmer les sessions d'examen de chaque stagiaire ;
  • Imposer l'obligation de conserver les données de formation et d'examen pendant au moins X années (5 ans ?) ;
  • Imposer la présence d'un huissier de justice pendant chaque session d'examen (le coût négocié en volume ne serait pas significatif au regard du coût d'une formation) qui pourrait attester de la réalité des conditions d'examen et que c'est bien le stagiaire qui pilotait ;
  • Engager solidairement la responsabilité du centre de formation en cas d'accident ou de délation suite à un examen de complaisance ;

Un centre de formation mis en cause suite à un accident pourrait aussi se servir de cela pour se prémunir, en démontrant qu'il a fait son travail correctement et qu'à la date de l'examen, le stagiaire était apte. Car dès lors que l'examen se déroule dans des conditions normales, il s'exerce un transfert de responsabilité et le formateur ne peut pas être tenu pour responsable de tout non plus, et encore moins d'éventuels comportements déviants ultérieurs comme nous en voyons beaucoup.

D'ailleurs, une fois dans le circuit, l'exploitant est responsable du maintien du niveau de compétence de ses télépilotes, qui se doivent d'être à leur meilleur niveau pour des raisons évidentes.

Ce serait donc aussi simple ?

Rien n'est jamais simple et en l'occurence aucune solution n'est jamais définitive ou 100% efficace, mais nous avons là des débuts de pistes réalistes pour responsabiliser une filière (donc la préserver) et s'assurer à moindre frais que la foire d'empoigne actuelle va cesser.

Il est certain que dans ces conditions, chacun serait astreint à une certaine rigueur et que les démarches purement opportunistes en prendraient un coup.

Pour conclure, à force d'analyse de la situation actuelle, il en ressort que notre pays est malade, c'est sociétal.

Malade de toujours faire les choses à moitié et de ne jamais aller au bout d'une démarche, pour ménager la chèvre et le choux, avec pour conséquence que la chèvre fini toujours par manger le choux.

Malade de se voiler la face et de laisser prospérer ceux qui dans tous les domaines enfreignent les règles, au détriment des laborieux qui tentent au quotidien de bâtir quelque chose de sain et de durable.

Malade d'être incapable de tirer les leçons de ses erreurs et de prendre des décisions courageuses, avec pour seul leitmotiv de refiler la patate chaude au dernier arrivé.

C'est bien d'une absence de volonté politique qu'il s'agit, qui consisterait pour une fois à prendre des mesures fortes et réfléchies plutôt que de systématiquement attendre de réagir à chaud à l'actualité.