Nous allons revenir sur un point de détail réglementaire qui nous tient à coeur car mal compris : est-il nécessaire d'obtenir l'autorisation du propriétaire d'un terrain survolé par un drone ?
En réponse à une vidéo tutoriel sur la législation
Le site Fotoloco.fr, dont l'intention était louable de vulgariser la législation drones, a publié la vidéo ci-dessous pour rappeler les règles d'utilisation notamment à des fins de loisirs, mais également dans un cadre professionnel.
Problème, l'intervenant fait une grosse approximation qu'il justifiera sans doute en expliquant qu'il n'est pas possible dans une vidéo de 10 minutes de rentrer dans le détail, sauf que cette approximation est lourde de conséquences dans l'univers professionnel et qu'il faut lutter contre ces légendes urbaines qui nous empêchent de travailler.
Vidéo tutoriel du site Photoloco.
Mais alors qu'elle est donc cette approximation qui nous fait réagir au point d'y consacrer un article ?
Doit-on obtenir l'autorisation des propriétaires de terrains survolés ?
Voici donc ce sujet si sensible : est-ce une obligation pour les télépilotes de drone d'obtenir l'autorisation des propriétaires des terrains survolés, qu'il s'agisse d'un usage de loisirs ou bien professionnel ?
EDIT DU 17/01/2018 : certains viennent en commentaire de cet article s'insurger contre ces survols de terrain privés, confondant leur maison (lieu d'habitation) avec la notion générale de ce qu'est un terrain privé. Or, un terrain privé n'est pas nécessairement un lieu d'habitation (loin s'en faut), ce qui implique un certain recul dans l'analyse de la situation.
Pour faire simple, même si ce n'est pas obligatoire mais les règles sont complexes, vous pouvez retenir qu'en usage loisirs, il est bien entendu préférable d'obtenir cet accord.
En revanche, dans le cadre des usages professionnels, l'autorisation des propriétaires des terrains survolés par des drones n'est absolument pas requise en tant que telle, ce n'est pas vrai, c'est une légende urbaine colportée par ignorance et il faut lutter contre, à défaut de quoi nous ne pourrons bientôt plus travailler, c'est déjà bien assez compliqué comme ça.
Je mets au défit quiconque de me trouver le texte qui précise ce point, les préfectures elles-mêmes n'y sont pas parvenues. Vous imaginez si tel était le cas, des avions de ligne qui demandent l'autorisation de survoler le champ de colza, puis le terrain de Mme Michu, etc ??!!??
Mais d'où sort cette lubie ?
Attention aux administrations zélées
Cette demande inapplicable émane de certaines préfectures zélées qui ne savent plus quoi faire pour empêcher les gens de travailler (celle de Paris notamment est spécialiste toutes catégories) et ils exigent les autorisations des propriétaires des terrains qui seront survolés. Sauf que cette demande est abusive et qu'IL FAUT REFUSER DE DONNER SUITE, sinon, il deviendra impossible de travailler.
Dans certains cas, il est facile d'identifier le propriétaire d'un terrain, mais dans de nombreux cas, c'est extrêmement difficile de trouver les références cadastrales des terrains et encore plus de contacter leurs propriétaires. C'est encore une règle inepte inventée par les administrations françaises pour mettre des bâtons dans les roues des entreprises, car c'est bien connu, en France, on préfère un chômeur à un entrepreneur qui réussit !
Tout le monde mélange tout et c'est bien dommage, c'est ce que je reproche à l'intervenant de cette vidéo, d'autant plus qu'il dispense de la formation... Car à défaut d'avoir le temps de traiter correctement ce sujet, mieux valait s'abstenir d'en parler.
Quels sont les textes applicables en la matière ?
L'accord du propriétaire d'un terrain est requis si vous devez pénétrer physiquement dans une propriété privée, c'est normal, mais pas pour la survoler, l'espace aérien n'appartient pas au propriétaire du terrain, pas davantage que le sous sol.
Cet accord n'est pas requis dans la mesure ou vous respectez certaines conditions :
- Vous ne mettez pas en danger la vie d'autrui en survolant des tiers présents sur le terrain ;
- Vous n'enfreignez pas le droit à la vie privée des gens (et la notion de vie privée doit répondre à des critères précis) ;
- Vous n'enfreignez pas le droit à l'image qui est un vaste sujet, qui rassemble notamment le droit à la dignité (filmer avec insistance un handicapé par exemple), ainsi que le droit à l'image des personnes et des biens.
Toutefois, un point vient édulcorer ces affirmations, qui est le droit à l'information, qui prime sur pratiquement tous les autres.
Donc pour résumer, si vous ne présentez pas de danger et ne portez pas atteinte à la vie privée ou au droit à l'image d'autrui (biens et personnes), vous n'avez rien à demander pour survoler un terrain et toute demande en ce sens provenant d'une institution est abusive et il faut refuser d'y donner suite, c'est très important pour l'avenir de nos métiers.
Pour se faire, il suffit de demander à votre interlocuteur de vous fournir le texte de loi qui précise que cet accord est obligatoire, il risque de chercher longtemps.
Pour en revenir au cas particulier traité dans la vidéo, qui est le survol des arènes de Nîmes. Voici comment cette situation doit-être analysée :
- Les arènes sont en zone urbaine, donc autorisation préfectorale obligatoire ;
- Autre élément important dont l'intervenant ne parle pas, les arènes de Nîmes se trouvent dans l'emprise de l'aérodrome de Nimes Courbessac et de l'héliport du centre hospitalier Nimes Carémeau, mais également dans la zone réglementée R8. Sans rentrer dans le détail, ce n'est pas simple pour y voler, voyez pour ces questions notre article sur l'arrêté espace aérien ;
- Si les arènes sont soumises à un droit à l'image (architectural ou patrimonial), il faut l'accord du propriétaire pour filmer et diffuser les images (pas pour un usage privé car c'est un bien public), ce qui signifie qu'en aucun cas vous n'avez à demander l'autorisation à la mairie, sauf si droits à l'image sur le site ;
- Concernant la sécurité du public, s'il est possible d'aménager une zone de vol sécurisée par exemple depuis un terrain privé voisin (sans emprise sur le domaine public), alors pas besoin d'autorisations de personne, sauf de la préfecture pour cause de scénario S3 ;
- En revanche, si effectivement il est nécessaire de fermer le site au public pour réaliser les images, l'accord du propriétaire/gestionnaire est bien entendu requis, et ce n'est pas forcément la mairie.
D'une manière plus générale, si dans le cadre d'une mission il est nécessaire de privatiser une partie du domaine public (stopper la circulation des véhicules ou des piétons), alors il faut dans ce cas une autorisation de la mairie, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public (comme pour une place sur un marché) et le cas échéant un arrêté d'interdiction de circulation si une rue est fermée.
Mais dans ce cas, il ne s'agit pas d'une autorisation de vol pour laquelle la mairie n'est pas compétente, mais d'une autorisation de restreindre une partie de l'accès au domaine public, demande qui pourrait concerner toute autre chose (travaux par exemple).
Vous voyez donc que nous sommes très loins des raccourcis tirés par les uns ou les autres et qui consistent à asséner des vérités qui nous empêchent ensuite de travailler. Il est très important d'être précis car ces idées reçues entrent dans la tête des gens et finissent par devenir des "réalités", qui se traduisent in fine par des exigences réglementaires de la part des administrations qui nous mettent déjà bien assez de bâtons dans les roues, alors qu'ils laissent en parallèle proliférer impunément chaque jour des dizaines de vidéos illégales en libre accès sur internet ou même les chaînes de télévision.
Sanctions en cas d'infractions
Pour être tout à fait précis, il convient de préciser les infractions généralement retenues par la justice pour les survols illégaux de drones :
- Mise en danger de la vie d'autrui (article 223-1 du Code pénal, puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende) ;
- Atteinte à la vie privée (article 9 du Code civil & articles 226-1 et suivants du code pénal, puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende) ;
- Infraction au code de l'aviation civile (article L. 6232-4 du Code des transports, puni d'un an de prison et d'une amende de 75 000 euros).
Ces points, au delà de leur mérite de préciser les risques encourus, viennent précisément renforcer notre théorie concernant les autorisations de survol, il conviendrait d'y rajouter le droit à l'image, mais ça deviendrait trop complexe et cela sort du cadre purement réglementaire des drones.
Le mot de la fin
Voilà ce qu'on peut dire sur le sujet, une mairie ou un propriétaire de terrain, sauf dans les cas détaillés supra, n'ont pas d'avis à émettre et pour être tout à fait clair, si vous commencez à demander l'avis des mairies dont les personnels ne sont pas formés pour traiter ces demandes (ils vont prendre peur et freiner des quatre fers), vous n'êtes pas sortis de l'auberge !
Idem pour les propriétaires de terrains. Avec toutes les inepties que l'on entend dans les médias au sujet des drones, beaucoup ont peur et par principe vous empêcheront de travailler.
Le bon sens et la politesse doivent donc guider vos choix, mais inutile de vouloir être plus royalistes que le roi, ou vous vous heurterez aux poncifs et dès lors que vous aurez obtenu un refus, il sera d'autant plus compliqué de passer outre si ce dernier s'avérait ne pas être justifié.