Ce billet d'humeur fait suite à un article publié par 2 avocates, intitulé « Drones, responsabilité pénale, vie privée et données personnelles ».
Il est temps de faire le point et de rétablir quelques vérités...
Les risques
A l'heure ou les drones alimentent tous les fantasmes et où nombreux sont ceux qui essaient de surfer sur la vague en mettant leur grain de sel dans un sujet qu'ils ne maîtrisent pas toujours, nous pouvons nous interroger sur le bien fondé de certaines théories.
L'article publié par Blandine POIDEVIN et Clémence VANCOSTENOBLE, qui est d'ailleurs plutôt pertinent dans le constat et que je ne critique absolument pas, soulève tout de même quelques questions.
Les auteures font régulièrement référence à des inquiétudes régulièrement relayées par la presse telles que :
- Des aéronefs qui peuvent être équipés de capteurs, de caméras, de dispositifs de géolocalisation, alors quid de la vie privée des individus filmés sans leur autorisation ?
- [...] Quid du traitement des données à caractère personnel ?
- Le caractère éminemment intrusif du drone, captant des attributs de la vie privée est particulièrement dangereux [...] ;
- Ces derniers peuvent être particulièrement discrets et ne pas attirer l'attention de l'individu ;
- Ils peuvent atteindre certains espaces normalement inaccessibles , telle qu'une fenêtre élevée et ouverte (la théorie de la voisine nue sous sa douche) ;
- Les drones qui permettent ainsi à tout un chacun d'espionner son voisin ;
- Une équipe de développeurs a hacké un AR Drone afin qu'il prenne en photo le public, utilise un outil de reconnaissance faciale puis tweete la photo avec le nom de la personne ;
Bien, vu sous cet angle, le constat est implacable... Toutefois, une question se pose :
Est-il nécessaire de posséder un drone pour réaliser toutes ces actions d'atteinte à la vie privée ?
Hormis monter en étage élevé filmer la voisine sous la douche, ce qui est peu probable vu le bruit généré par un drone en vol tout sauf discret, j'ai le sentiment qu'il y a bien plus dangereux encore pour la vie privée...
La prolifération des smartphones ou autres Google Glass, capables de mettre en ligne en direct tout ce qui se passe dans notre quotidien n'est-il pas un danger bien plus important ? Contrairement aux drones, ils se retrouvent dans toutes les mains et sont généralisés sans aucun contrôle, et pourtant ça ne pose de problème à personne ?
La pistage systématique des internautes, la surveillance généralisée et la collecte de données à travers les réseaux WIFI ont-ils attendus les drones ?
A l'heure ou les témoins d'accidents ont de plus en plus souvent le réflexe de filmer la scène plutôt que d'appeler les secours, cet état de fait ne devrait-il pas davantage interpeller l'opinion publique ?
La réglementation sur l'usage des drones
Je rappelle que l'usage des drones est déjà strictement réglementé par les arrêtés du 17 décembre 2015 et que les atteintes à la vie privée le sont tout autant.
L'usage des drones civils équipés de capteurs (travail aérien) est strictement limité à l'usage des professionnels et sauf à faire n'importe quoi comme l'affaire de Nancy qui a donné lieu à une condamnation de l'auteur, les risques sont plutôt limités.
La loi est d'ores et déjà contraignante et si elle est appliquée strictement en l'état, les risques de débordements sont encadrés de façon toute à fait satisfaisante. Il ne viendrait à l'idée d'aucun professionnel censé d'aller diffuser des images privées ou volées.
Le danger des drones pour les tiers au sol
Comme le rappellent les auteures de l'article pré-cité, les drones sont potentiellement dangereux [vidéo], quel que soit leur poids. C'est pour cette raison qu'il existe une réglementation qui interdit leur usage en zones peuplées, sauf à posséder une bardée d'autorisations.
Toutefois, combien de morts peut-on imputer à ce jour à des drones civils ? Aucun à ma connaissance...
Je me permet de rappeler que les accidents de la route font plus de 4 000 morts par an rien qu'en France, et qu'il serait peut-être bien plus urgent (raisonnement par l'absurde) d'interdire ces véhicules à moteur polluants, tellement dangereux et bruyants.
Le développement d'une filière en danger
Le propre de notre pays et de vouloir tout régenter à outrance, au risque de tuer l'innovation et la croissance qui manquent tant à notre nation en déclin. N'oublions pas que la filière des drones civils est l'un des rares secteurs économiques générateur d'emplois avec une croissance à 2 chiffres.
Alors messieurs les législateurs et autres membres de diverses commissions à l'utilité discutable, par pitié, avant de tuer dans l'oeuf une industrie prometteuse et sans doute moins dangereuse pour la vie privée que les objets connectés, prenez le temps de la réflexion en analysant les conséquences avant de donner naissance à de nouvelles usines à gaz...
La France est le pays spécialiste mondial incontesté de la publication de textes alambiqués impossibles à faire appliquer, dont les procédures légales submergent les administrations qui ne sont plus capables de traiter les dossiers, c'est déjà le cas avec les homologations de matériel et les autorisations préfectorales.
Quel avenir pour le drone civil en France ?
Tels que nous sommes partis, nous risquons de voir arriver prochainement une nuée de règles nouvelles aussi contraignantes qu'aberrantes inutiles, qui vont encore ajouter à la difficulté actuelle pour opérer des drones dans des conditions satisfaisantes.
Si nous appliquons d'ores et déjà stricto sensu la réglementation existante, nous pouvons tout juste travailler et nous sommes contraints de refuser nombre de missions... Nous ne critiquons pas la réglementation, elle est nécessaire, mais la superposition à venir de textes élaborés par des technocrates nous tuera.
Les Américains viennent d'annoncer qu'ils accélèrent la mise en place du système d'agrément des drones à usage commercial. En France, nous sommes en train de réfléchir à la manière de rajouter des contraintes à cette filière.
Tout le monde se gargarise que la France est un pays précurseur en matière de drone civil et que nous sommes en avance, mais malheureusement, comme toujours, nous allons changer de statut en quelques mois seulement pour nous retrouver en queue de peloton, ça ne sera pas la première fois, ni la dernière...