Si vous vous intéressez à la photo ou à la vidéo aérienne, vous vous êtes sans doute déjà posé la question des règles élémentaires de sécurité à respecter lors d'un tournage aérien avec ces drôles de drones.
Une réglementation stricte
Avant toute chose, vous devez savoir que la réalisation de prises de vues aériennes avec des aéronefs télépilotés est extrêmement encadrée par la DGAC et que tout le monde ne peut pas le faire : c'est réservé aux professionnels et il faut montrer patte blanche...
Bien entendu, cette réglementation est là pour protéger les citoyens. On n'imagine pas ce genre d'engins volant n'importe où, n'importe comment, pilotés par n'importe qui au dessus de votre jardin ou dans les lieux publics.
Il n'en demeure pas moins que les contraintes pour travailler sont réelles et que nous sommes astreints à de nombreuses précautions. Toutes nos interventions doivent-être préparées, réfléchies et répertoriées sur les carnets de vol.
Préparation d'un tournage
La première étape consiste à obtenir les autorisations nécessaires, si elles sont nécessaires bien entendu en fonction des scénarios.
Autorisation préfectorales
Les vols en zones peuplées (scénario S-3) sont soumis à des règles plus strictes et nécessitent d'obtenir l'accord préalable de la préfecture du département concerné.
Il est également possible que le tournage se déroule dans une zone réglementée (survol sous certaines conditions) et qu'il soit nécessaire d'effectuer des démarches complémentaires auprès de la DGAC ou de l'organisme gestionnaire de la zone.
Préparation de la mission
Une fois les autorisations réunies, il faut préparer minutieusement le vol, comme s'il allait se dérouler avec un aéronef grandeur (comprenez un vrai avion). Il faut donc systématiquement :
- Consulter les conditions météo prévues pour la date et le lieu de déroulement de la mission ;
- Consulter les cartes aéronautiques et l'information aéronautique pour déterminer le scénario approprié et connaître les règles particulières d'utilisation de l'espace aérien, les restrictions temporaires ou permanentes ou toute autre information pouvant avoir une incidence sur la sécurité du vol (notamment les Notam & VAC ainsi que les SUPAIP).
Comme vous pouvez le constater, il y a déjà de quoi faire à ce stade, simplement pour « tourner quelques images aériennes ». Dans les airs, rien n'est anodin et ne doit être laissé au hasard.
L'imprudent aurait l'air malin en train de s'expliquer au journal télévisé de 20h00 sur le fait que son drone a terminé dans les réacteurs d'un alpha jet de la Patrouille de France en démonstration dans la région...
Transport de l'aéronef
Avant et après chaque mission, tout notre matériel est transporté dans des caisses adaptées (flight case, comme les instruments de musique), appareils calés, hélices protégées et/ou démontées. Le matériel est sanglé pour éviter tout choc à bord du véhicule et amorti pour limiter les vibrations.
Cela peut sembler évident, mais c'est encore du temps qu'il faut passer à conditionner et déconditionner le matos à chaque fois, et des coûts supplémentaires car ces protections sur mesure ne sont pas données.
Arrivée sur la zone de tournage
Le télépilote est responsable de la sécurité des biens et des personnes qui se trouvent dans son périmètre d'action.
En cas de doute et s'il estime que les conditions présentent un danger pour les personnes ou les biens, le télépilote doit être à même de reporter ou d'annuler la mission.
Précautions à prendre avant de voler
- Vérifier l'absence d'orages magnétiques qui perturbent l'électronique, auquel cas il serait nécessaire de ne pas utiliser le mode GPS (risque de données de localisation erronées) ;
- Le télépilote réalise un repérage de la zone de travail afin de déterminer au mieux les conditions de sécurité et de réalisation de la mission (périmètre de vol, zone de décollage, dangers objectifs éventuels, présence d'antennes...) ;
- Le télépilote fait une estimation du sens et de la vitesse du vent à l’aide d'un anémomètre électronique et d’une manche à air portative ;
Préparation du terrain
Le jour de la mission, une reconnaissance visuelle du terrain est effectuée sur zone avec validation des conditions météo locales et repérages des obstacles naturels ou artificiels. C'est à l'issue de cette étape préparatoire que nous déterminons les zones de décollage et d'évolution du drone.
Balisage d'une zone de décollage
Avant chaque mission, une zone de décollage interdite au public est définie à l'aide de cônes de signalisation / piquets (selon la nature du sol) et de ruban type « Rubalise » afin d'éviter tout risque pour les biens et les tiers.
Cette zone d'exclusion permet de tenir le public à une distance de sécurité minimale de 30 mètres. Il est parfois nécessaire de privatiser un espace en sollicitant le concours de la force publique (police municipale par exemple) ou de personnels de sécurité.
Définition du périmètre de vol
Le télépilote veille à toujours respecter la zone d'exclusion vis à vis de toute personne non informée qui n'est pas directement en lien avec l'activité particulière ayant fait l'objet d'une procédure en cas d'incident en vol de l'aéronef.
Autrement dit, sauf pour les personnes qui participent au tournage et qui sont dûment informées des risques (signature d'une attestation), personne ne doit se trouver sous le drone ou à moins de 30 mètres.
Check-list pré vol
Avant chaque décollage, nous prenons soin de valider une check-list (comme pour un avion) pour vérifier point par point tous les éléments de sécurité de nos appareils.
Voici les principaux points de notre check-list
- Déballage et installation du matériel (aéronef, radio, accessoires...) puis vérification visuelle de son intégrité physique ;
- Contrôle visuel de l'aéronef et des éléments de la machine (bras, moteurs, parachute, nacelle, train d'atterrissage...) ;
- Vérification de l'état des hélices, de leur sens de montage (si démontées préalablement) et de leur serrage sur les axes moteurs ;
- Vérification de la libre rotation des moteurs et de l'absence de résistance des roulements à billes ;
- Vérification des câblages visibles de l'aéronef (voies sur le récepteur radio, fils moteurs sur les contrôleurs brushless...) ;
- Vérification systématique de l'état visuel, de la tension et de l'équilibrage des cellules de toutes les batteries LiPo utilisables pendant le vol ;
- Fixation des batteries sur l'aéronef ;
- Vérification de la tension de la batterie radio commande (RC) sur son écran ;
- Vérification de la tension de la batterie de l'écran de retour vidéo ;
- Vérification de la position des interrupteurs de la RC avant allumage ;
- Allumage de la RC et de l'écran de retour vidéo, manette des gaz à zéro et mode de vol ATTI (sans le GPS à proscrire au décollage) ;
- Sélection du modèle de drone sur la RC ;
- Mise sous tension de l'aéronef et vérification des connectiques batteries ;
- Contrôle sonore d'alimentation des contrôleurs (1 2 3... Bip) ;
- Étalonnage magnétique du compas si besoin (si changement significatif de longitude), loin de toute source de perturbations magnétiques ;
- Orientation du nez de l’appareil face au vent dans la zone de décollage ;
- Contrôle de l'acquisition des satellites et verrouillage de la position « Home point » (point de décollage) ;
- Test de portée RC avec éloignement à 50 mètres minimum de l'aéronef (selon indications télémétriques et confirmation visuelle des distances) ;
- Armement des moteurs, au ralenti, 15% de gaz maintenus.
A partir de cet instant, le drone va entrer dans sa phase de vol et plus personne ne doit se trouver dans la zone. Je ne sais pas si vous avez idée du temps que prennent toutes ces vérifications / planifications, mais vous commencez à comprendre pourquoi une prise de vues aériennes ne coûte pas 50 euro, objet d'un prochain article.
Ce n'est pas terminé, avant l'exécution de la mission proprement dite, il reste quelques précautions à prendre.
Essais en vol avant le début de la mission
Cette étape est importante, car au delà des essais de l'aéronef proprement dit, elle permet de détecter d'éventuelles interactions extérieures néfastes sur le comportement du matériel électronique (antennes relais, perturbations magnétiques, difficultés à maintenir un stationnaire GPS...) :
- Déclenchement du timer de vol et décollage face au vent (dans la zone balisée), arrière tourné vers le télépilote (pour éviter les inversions de commande) placé à une distance de sécurité raisonnable ;
- Vol stationnaire pendant 3 à 5 minutes dans la zone de décollage et vérification du comportement de l'aéronef dans tous les modes de vol pour vérifier le comportement sain et l'absence de perturbations ;
- Essai des commandes tous axes ;
- Vol à une distance située entre 20 et 30 mètres du télépilote pour tester l'IOC (retour en ligne droite au « Home point » quelle que soit l'orientation de la machine) puis déclenchement d'une procédure de Fail-Safe avec posé automatique de l'aéronef.
Une fois ces ultimes contrôles effectués, nous procédons au remplacement du jeu de batteries, vérifions une dernière fois les connexions puis exécutons la mission en vol à vue dans le respect du volume de vol relatif au scénario.
Que se passe-t-il après le vol
Bien entendu, toutes ces vérifications sont (pour certaines d'entre elles) à renouveler entre chaque vol. Lorsqu'on sait que l'autonomie moyenne de nos appareils est de 10 minutes environ, il faut multiplier les vols et donc les contrôles, ce qui prend du temps.
Fin de mission
Une fois la mission terminée, avant le rangement du matériel, nous réalisons à nouveau les contrôles routiniers du matériel et de ses périphériques. Ces contrôles sont nécessaires afin de prévoir le stockage dans les meilleures conditions :
- Débranchement et retrait des batteries de l'aéronef ;
- Vérification des accumulateurs LiPo pour s'assurer qu'ils n'ont pas gonflés (signe de dégradation et de danger), qu'ils n'ont pas une température anormalement élevée (en cas de doute, vérification avec un thermomètre infrarouge) et que la tension de chaque cellule n'est pas descendue individuellement sous le seuil critique des 3,3 volts ;
- Coupure de la RC et débranchement de la batterie de l'écran de retour vidéo ;
- Contrôle visuel rapide des câblages visibles de l'aéronef (voies sur le récepteur radio, fils moteurs sur les contrôleurs brushless...) ;
- Contrôle de la température des moteurs (en cas de doute, vérification avec un thermomètre infrarouge) ;
- Vérification de la libre rotation des moteurs et de l'absence de résistance des roulements à billes ;
- Rangement du matériel puis saisie du carnet de vol dès que possible.
Ces contrôles post-mission permettent également d'éliminer certains risques tels qu'un incendie de batteries pendant le transport, d'anticiper au mieux les prochaines missions ainsi que les éventuelles opérations de maintenance spécifiques à venir.
Vous le voyez, faire voler des drones destinés à la réalisation de prises de vues aériennes ne s'improvise pas. Il est indispensable obligatoire d'effectuer de nombreux contrôles et de respecter scrupuleusement les procédures de sécurité.
C'est sans doute à ce prix que l'on peut prétendre au titre convoité de professionnel et obtenir le précieux sésame délivré par la Direction Générale de l'Aviation Civile.
Le mot de la fin
J'espère que cet article ne va pas vous inquiéter ou décourager ceux qui rêvent d'en faire leur métier. C'est juste la réalité de nos conditions d'exercice et avec de la rigueur, tout se passe très bien.
Pour aller prendre quelques photos en zone peuplée (avec démarches administratives, traitement des images, déplacement, procédures de sécurité...), il n'est pas rare d'y consacrer de longues heures.
Vous comprenez sans doute mieux maintenant pourquoi les prestations se chiffrent toujours en centaines d'euro au minimum.