Face à la multiplication des vols non réglementaires, la Fédération Professionnelle du Drone Civil créée un label certifié pour les opérateurs de drones en conformité avec la réglementation, dans une optique d’amélioration continue de la sécurité des opérations de drones civils.
Mais est-ce vraiment une bonne idée ou la Fédération a-t-elle d'autres desseins ?
Le constat de départ
Il est vrai que la filière drone civil capte toute la lumière médiatique depuis quelques mois et que les inconscients qui enfreignent toutes les règles de bon sens, professionnels ou amateurs, sont nombreux.
IL est vrai également que la réglementation peut paraître obscure, que les délais de traitement des dossiers sont longs et que la tentation de transgresser les règles peut-être grande.
L'idée de la création d'un label peut sembler séduisante sur le papier, mais cette démarche pose de nombreuses questions que nous allons soulever.
Il va de soit que nous sommes en parfaite conformité avec la réglementation que nous respectons à la lettre : nous avons rendu notre déclaration annuelle d'activité à la DGAC, possédons une assurance en responsabilité civile aérienne, des autorisations préfectorales annuelles S3 dans une trentaine de départements, avons déjà produit 3 REX (Retours d'EXpérience) depuis le début de l'année... Nos interrogations sur l'intérêt de la création de ce label n'ont rien à voir avec une quelconque crainte de ne pas l'obtenir.
L'absence de concertation
La Fédération Professionnelle du Drone Civil (FPDC) a unilatéralement décidé de lancer un label certifiant les opérateurs en situation de pleine conformité avec la réglementation et qui s’engagent à ne pas opérer lorsqu'ils jugent la situation dangereuse ou illégale (sic).
Oui, mais voilà, cette décision a été prise sans concertation des adhérents (qui sont rappelons le des membres cotisants sans lesquels il n'y a pas de fédération), pas plus qu'ils n'avaient été consultés lorsqu'il a s'agit de s'adresser à la DGAC pour formuler des préconisations de réforme réglementaire, parfois maladroites ou inadaptées (nous y reviendrons dans un prochain article).
Alors il serait peut-être plus urgent de mettre en place un fonctionnement transparent, avec une charte de bonne conduite pour les adhérents ET les dirigeants (nous y reviendrons également), parce que le fonctionnement actuel n'est pas satisfaisant. On dirait d'ailleurs qu'il ne convient pas à tout le monde, ce sondage, certes anonyme, reflète une atmosphère pour le moins... détestable qui annonce une prochaine assemblée générale houleuse.
L'utilité discutable d'un label qui porte mal son nom
Lors de la demande d'autorisation DGAC pour devenir opérateur professionnel de drone civil, les candidats prennent déjà un certain nombre d'engagements auprès de l'administration en remplissant un MAP qui récapitule tout le fonctionnement de l'entreprise, en passant par la déclaration des personnels, la description des moyens techniques, les procédures d'urgence et de maintenance, la formation des télépilotes, le maintien des compétences...
En outre, les (futurs) exploitants remplissent des DNC (Déclaration de Niveau de Compétence, bientôt obsolètes, NDLR) ainsi qu'un certificat de conformité (modèle à télécharger) qui formalise déjà la majorité de ce que prévoit le label, décrit ici sur le site de la FPDC.
Les petits malins qui veulent travailler hors des clous (sans autorisations, faux SIRET, non respect des règles de l'air...) ne vont pas le crier sur les toits et de toute manière, la création d'un label ne les empêchera pas d'enfreindre les règles.
Alors quel peut bien être l'intérêt de cette invention ? Au même titre que des individus conduisent sans permis, devrions nous créer un label de qualité pour ceux qui conduisent avec le permis et surtout qui prétendent conduire bien ?
Les questions soulevées par ce label
La création d'un label est une démarche complexe, qui implique de nombreuses conséquences et obligations. Cette démarche, pour le moins surprenante, spontanée et sortie de derrière les fagots soulève un certain nombre de questions, que voici (liste non exhaustive) :
- En quoi une Fédération professionnelle, dont les représentants sont juges et parties, est-elle légitime pour la mise en place d'un tel label ?
- Qui décide de décerner ce label et de quelle manière, à travers quel processus et avec quelles garanties ?
- A partir du moment ou un label est décerné, il doit obligatoirement y avoir des contrôles pour s'assurer de son respect par les titulaires et garantir la qualité de ce label. Qui organise ces contrôles, de quelle manière et avec quels moyens ?
- Ce label étant décerné par une fédération qui regroupe moins d'un tiers des acteurs de la filière drones civils, qu'en est-il pour les non adhérents ? Un opérateur "méritant" non membre de la FPDC peut-il se voir décerner le fameux label ?
- Qu'advient-il si un membre de la FPDC titulaire du label se fâche avec la fédération ou décide de ne pas renouveler sa cotisation et de la quitter ? Risque-t-il d'être puni avec le retrait du label ? D'après ce que l'on peut lire sur les forums, l'hémorragie risque d'être sévère...
- Si le label est accessible aux non adhérents, comment une association peut-elle d'impacter l'image (car il s'agit bien d'image de marque) d'entreprises qui n'adhèrent pas ?
- De nombreux opérateurs (dont nous ne faisons pas partie à ce stade) évoquent la possibilité de créer une fédération "dissidente" car ils n'approuvent pas les actions de la fédération actuelle. Vont-ils aussi créer un label ?
Tout cela ressemble à une opération de fidélisation forcée au profit de la fédération, à laquelle chaque opérateur devrait avoir la totale liberté d'adhérer ou non, sans que cela ne puisse impacter son image en aucune manière.
La FPDC a longtemps référencé dans ses listes d'opérateurs / constructeurs des entreprises (et parfois des particuliers) qui n'étaient pas autorisés par la DGAC (il a fallut se battre pour que le ménage soit fait, emails à disposition pour les sceptiques). De la même manière, certains adhérents autorisés DGAC ne figurent toujours pas dans la liste officielle des membres de la fédération, malgré leurs demandes.
Alors nous pouvons légitimement nous poser la question de savoir comment la FPDC compte s'y prendre pour s'assurer que les opérateurs à qui elle va décerner son label sont fiables et tiennent leurs engagements... Car il ne s'agit que de promesses.
Il en va de la crédibilité de la filière. Les mauvaises langues diront qu'il s'agit d'une opération de communication destinée à rendre la fédération incontournable et à verrouiller les membres pour éviter qu'ils ne quittent le navire le moment venu.
D'après les critères actuels de décernement du label, il semblerait que tout nouvel opérateur autorisé DGAC serait de plein droit éligible (auquel cas le label ne se justifie plus), notamment en signant son certificat de conformité.
Un label problématique ?
Notre boule de cristal nous prédit de bien vilaines choses avec un avenir qui s'assombrit. Pourquoi ?
Tout simplement parce que tous les opérateurs se vantent de laver plus blanc que le blanc, même dans les noeuds, en hommage au sketch de Coluche. Mais dans les faits, les mêmes qui donnent des leçons sur les réseaux sociaux survolent du public lors de manifestations dans certaines agglomérations du Sud de la France (par exemple), volent en ville avec des machines de 8 kg...
Alors que pensez vous qu'il va arriver quand les titulaires du label vont commencer à déconner plein tube ? Et oui, on promet de respecter les règles, promesse déjà formulée auprès de la DGAC, mais les promesses n'engagent que ceux qui les croient !
Plusieurs options s'offrent alors :
- La délation ? les titulaires émérites du label vont dénoncer les titulaires indignes pour préserver son image ? Les non titulaires du label vont dénoncer les titulaires indignes ou dénoncer abusivement certains titulaires émérites par jalousie ?
- Les clients ne vont jurer plus que par un label boiteux pour lequel il n'y aura aucun contrôle et qui ne sera sans doute pas accessible aux non membres de la Fédération (dont nous sommes encore membre à ce jour) ?
- Les plus culottés vont afficher sans vergogne ce label (un simple fichier PNG transparent a priori) sur leur site, sans en être titulaire et sans avoir rien demandé à personne ? Que va faire la fédération pour les en dissuader ? Les traîner devant les tribunaux alors qu'il n'a aucune valeur légale ? Que vont penser les titulaires légitimes du label ?
- [...] On laisse votre imagination travailler pour la suite.
Vous savez ce qu'on dit ? Réfléchissez avant de vous engager.
A qui s'adresse le label opérateur certifié ?
Pour reprendre les termes du communiqué de la Fédération Professionnelle du Drone Civil, le label s'adresse aux opérateurs :
- Qui détiennent un Manuel d’Activités Particulières (MAP),
- Qui disposent d’une Assurance Responsabilité Civile à jour,
- Qui s'engagent à respecter toutes les autres obligations réglementaires, telles que la demande d'une autorisation préfectorale ou d'une dérogation dans le cas de vol en zone urbaine,
- Qui s'engagent à effectuer 5 REX par an auprès de la DGAC, ainsi qu'une Déclaration Annuelle d'Activité.
Très peu d'opérateurs ont renvoyé leur Déclaration Annuelle d'Activité pourtant obligatoire, d'après les chiffres communiqués par la fédération (via la DGAC), seuls 180 Déclarations Annuelles d'Activité (pour l'année 2013) ont été communiquées (la nôtre est dûment complétée), pour plus de 450 opérateurs de drones enregistrés fin 2013.
Les récalcitrants auraient logiquement dus se voir retirer leurs autorisations, pourtant il n'en est rien. Pourquoi ?
L'obligation d'effectuer 5 REX (Retours d'EXpérience sur incidents) est tout aussi aberrante (nous en sommes à 3 ces 12 derniers mois, et nous ne sommes pas nombreux à en faire). Si le cota des 5 REX n'est pas atteint, faut-il inventer des incidents pour conserver le label ? Que doivent faire les opérateurs qui ont eu peu de problèmes (si si, ça existe) et/ou qui ne volent pas beaucoup ?
La légitimité du logo de ce label
Le logo retenu pour ce label pose problème car d'une part il n'a fait l'objet d'aucune concertation, et d'autre part, il est beaucoup trop proche des logos de certaines sociétés membres du bureau de la fédération, notamment celui de l'entreprise Red Bird dont le Président n'est autre que le Président de la FPDC.
Sans prêter de mauvaises intentions à qui que ce soit, il apparaît que la neutralité n'est pas de la partie, que ce soit délibéré ou non, et pour notre part, nous ne pouvons pas l'accepter, ni sur le fond, ni sur la forme.
Un label inutile et sans garanties
Vous l'aurez compris, nous ne sommes pas favorables à ce label sorti de nulle part, inventé pour des raisons qui restent à déterminer. Non seulement il n'apportera aucun gage, mais il risque surtout de décrédibiliser ceux qui l'afficheront au premier coup de Trafalgar.
Le bon sens prévaut en toutes circonstances et il va de soit que l'on ne doit pas survoler des tiers, travailler sans autorisations ou sans assurance... Ce n'est pas un logo obtenu en quelques clics, sans vérifications effectives sur le terrain, qui prouve en aucune manière la valeur d'un opérateur, ni son sérieux, ni son savoir faire.
Maintenant, vous voulez le voir notre label maison ? Créé spécialement par nous et pour nous, il propose strictement les mêmes garanties que le label « officiel », c'est à dire aucun contrôle, mais il répond à 100% aux exigences réglementaires. Pour le reste, notre savoir faire et nos références sont les seuls gages de qualité aux yeux de nos clients qui nous font confiance !
Si vous aussi vous estimez que vous êtes le meilleur garant de votre propre label et de la qualité de votre travail, vous pouvez faire comme nous et télécharger gratuitement ce visuel en PNG Transparent pour l'afficher sur votre site ou sur vos visuels : TELECHARGER LE LOGO (clic droit, enregistrer le lien sous...).
Pour notre part, nous demanderons un label le jour ou il sera géré par un organisme indépendant, qui ne représente aucune obédience particulière, qu'il sera assorti de contrôles effectifs sur le terrain et que les conditions d'obtention / décernement seront réellement pertinentes. En outre, cela doit préalablement passer par la mise en place d'un véritable brevet de télépilote complet (théorique + examen pratique sélectif), pourquoi pas rétroactif pour la pratique, afin de trier le bon grain de l'ivraie.
Même si à ce jour nous sommes membres de la Fédération Professionnelle du Drone Civil, il faut reconnaître qu'elle n'est pas représentative et que certains aspects de son fonctionnement ne sont pas acceptables. En notre qualité de membre cotisant, nous avons le droit et le devoir de nous exprimer, c'est ce qui est fait dans cet article où nos propos n'engagent que nous.
Il aurait sans doute été beaucoup plus opportun pour la Fédération Professionnelle du Drone Civil de rédiger une charte interne de bonne conduite, co-signée par ses membres, et le cas échéant d'exclure les contrevenants.